François Prévost a créé 7 sociétés et une association avec des réussites et des échecs. Lors de ce parcours entrepreneurial, il se forge une conviction : l’entrepreneur est responsable de son environnement. Désormais, il consacre toute son énergie à réveiller les consciences sur l’urgence d’intégrer la préservation de l’environnement et le respect de l’humain dans l’objet social des entreprises.
Comment es-tu devenu entrepreneur ?
Les entrepreneurs de ma famille ont été mes modèles. Certains ont réussi, d’autres ont échoué. Après une école de commerce, j’ai travaillé plusieurs années en entreprise avant de me lancer. J’ai créé Time to Market, une société de conseil en innovation en 2000. Mais en 2005, une agression physique m’a immobilisé pendant 8 mois et j’ai dû déposer le bilan de ma société en 2006. En quelques mois, je suis passé de chef d’entreprise avec 10 salariés à SDF ! Je n’avais plus rien. J’avais contribué de plusieurs millions d’euros d’impôts et taxes, formé 45 personnes en 6 ans et je me retrouvais dans une situation très difficile. Ma conscience politique s’est forgée dans ma chair. Après des années de reconstruction morale et financière, j’ai créé un cabinet de conseil en innovation responsable en 2013, Time to Planet, qui prône l’innovation responsable et l’entrepreneuriat responsable.
Qu\’est-ce qu\’un entrepreneur selon toi ?
Un entrepreneur se définit sur plusieurs plans. Il y a d’abord l’objet social : un entrepreneur crée de la valeur pour ses parties prenantes, ses clients comme ses salariés ainsi que pour l’État, les collectivités locales, les prestataires, etc. Sur un plan plus psychologique, c’est quelqu’un qui a une forte capacité à créer, c’est-à-dire à passer au concret. C’est un généraliste multi-spécialiste : il sait faire de la finance, du commercial, du marketing, du management, etc.
Surtout, les entrepreneurs ont une capacité particulière à prendre un grand nombre de décisions tous les jours avec un bon taux de réussite en suivant leur intuition et sur des bases parfois floues.
Les entrepreneurs prennent des décisions plus fréquemment et plus rapidement que les autres.
De plus, un entrepreneur doit avoir une meilleure capacité à gérer le stress. Le sport est fortement recommandé ! Moi, j’ai pratiqué les sports à risques (plongée et pilote d’avion) et je suis devenu skipper professionnel.
Qu’est-ce qu’un entrepreneur responsable ?
Un entrepreneur responsable a conscience de ce qui l’entoure. Il ne se contente pas de sa propre réussite, mais il s’appuie sur les trois piliers du développement durable : l’économique, l’écologique et le sociétal.
Les 3 piliers du développement durable
Il intègre aussi la RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises) dans sa stratégie. À l’inverse, un entrepreneur irresponsable ne s’appuie que sur un seul pilier, par exemple le profit ! Or, l’irresponsabilité locale engendre obligatoirement des déséquilibres.
Un entrepreneur responsable vise la création de valeur globale pour les 3P : People, Planet, Profit.
Il faut développer une culture de la responsabilité chez les entrepreneurs, faire de la pédagogie. Par exemple, il est important de comprendre que l’ubérisation de l’économie génère effectivement de la valeur, mais surtout de la précarité (le volet sociétal n’est pas respecté) donc c’est un déséquilibre. Si à court terme, la création de valeur est certaine, à long terme, c’est une catastrophe ! Un entrepreneur se doit de protéger ses salariés et les personnes qui travaillent pour son entreprise.
Comment favoriser l’entrepreneuriat responsable ?
La crise de 2008 a rendu les entrepreneurs et les consommateurs un peu plus responsables. Mais il faut aller plus loin. Il faut inclure dans la loi que l’objet social d’une entreprise n’est plus seulement le profit pour les actionnaires mais aussi pour les salariés et la planète.
Les profits des entreprises doivent être redistribués de façon équilibrée entre les salariés, les actionnaires et la préservation de l’environnement.
Et évidemment, tous les pays doivent adopter cette règle !
Il faudrait aussi créer une cour écologique internationale sur le même modèle que la cour pénale internationale de La Haye. Elle pourrait démanteler les sociétés délinquantes en matière d’environnement, un peu comme la loi anti-trust peut le faire.
Autre chose : les nuages doivent donner de la pluie ! L’argent est trop stocké, trop thésaurisé et donc inutile. Il faut crever les nuages pour détourner les fonds disponibles vers l’ESS (Économie Sociale et Solidaire). Pour cela, l’ESS doit proposer des rendements encore plus élevés que les fonds, en « titrisant » la précarité, comme le microcrédit qui est l’un des produits financiers les plus rentable de la planète et qui a produit beaucoup de progrès social dans le monde.
Un chiffre : la somme de tous les budgets militaires annuels des armées du monde représente 1 686 milliards de dollars par an. Le budget alloué au climat, c’est seulement 22 milliards de dollars par an, 77 fois moins ! Il faut alimenter le second avec le premier en prévention des futurs conflits climatiques.
Quelle est ta prochaine aventure ?
Je suis en train de lever des fonds pour financer un grand projet sur 4 ans de voyage autour du monde en bateau pour faire de la pédagogie sur un sujet qui me tient à cœur : les réfugiés climatiques. En 2020, je partirai faire le tour des îles qui vont disparaître à cause du réchauffement climatique. J’aimerais tourner un film sur chaque île. L’idéal serait qu’une personnalité nous rejoigne pour apporter son questionnement sur la situation et pour montrer ce qu’il se passe derrière le paysage de la carte postale. Un quart des pays de la liste de l’ONU est menacé de disparition sous les eaux, ce qui va créer des millions d’apatrides. Que vont devenir ces gens ? Ma responsabilité est d’entreprendre ce projet d’envergure pour déclencher une prise de conscience et faire adopter le statut de réfugié climatique.
Quel livre t’a marqué dans cette prise de conscience ?
L’un des livres qui m’a le plus marqué est celui de Pierre Rhabi « Vers la sobriété heureuse ». J’ai eu un énorme choc quand j’ai vu en conférence cet entrepreneur, paysan et poète qui a eu un impact énorme sur un nombre impressionnant de personnes. C’est un homme exemplaire qui a formé des générations à l’agro-écologie, qui a inspiré des générations entières et des mouvements entiers, comme les Colibris. J’aimerais avoir le dixième de son impact, ce serait déjà bien !
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