Luca d’Auria et Loïc Angemont se sont rencontrés sur les bancs de la CCI lors d’une formation pour entrepreneurs. Chacun a suivi son chemin entrepreneurial, sans se perdre de vue. Ils lancent ensemble une nouvelle ESN basée sur les relations humaines. Interview croisée de deux entrepreneurs passionnés.
Comment êtes-vous devenus entrepreneurs ?
Loïc Angemont – Ma première carrière est une carrière de sportif haut niveau dans le rugby. J’ai dû interrompre cette voie pour raisons médicales. J’en garde l’effort en équipe et le goût de rassembler des personnes d’horizons différents autour d’un objectif commun. Ma deuxième carrière est celle d\\\’infirmier en milieu hospitalier. Très vite, je me suis senti limité en termes de responsabilités.
Je suis devenu entrepreneur par obligation.
C’était, selon moi, la seule façon d’avoir des plus grandes responsabilités et une autonomie totale. J’ai créé une société d’aide à domicile pour permettre à des personnes atteintes de pathologies lourdes de recevoir des soins à leur domicile. Alors que j’ai commencé tout seul, 6 ans plus tard, je réunissais 48 salariés. Pendant ces années, j’ai adoré manager des personnes qui travaillent sur le terrain. Toujours cette passion de constituer des équipes, d’entraîner des gens vers un objectif. Il y a un an, j’ai revendu cette entreprise.
Luca d’Auria – Quand j’étais salarié, la plupart du temps j’étais confronté à un management de type pyramidal, « à l’ancienne » que je ne trouvais pas constructif. Les problématiques techniques étaient pilotées plus par la finance que par l’ingénierie.
L’argent, c’est l’oxygène dans une entreprise, c’est vital mais ce n’est pas le but ultime qui reste la création de valeur.
J’ai décidé de suivre une formation à la création d’entreprise à la CCI d’Évry et c’est là que j’ai rencontré Loïc. Nous avons chacun créé notre société de notre côté, tout en continuant d’échanger régulièrement sur nos succès, nos difficultés, nos doutes, etc.
Luca, quelle est la mission de ta société ?
Luca – Ificlide repense et adapte l’Architecture d’Entreprise. Une Architecture d’Entreprise permet d’organiser le système d’information autour des besoins des métiers et les personnes qui y travaillent. En raisonnant avec les métiers, qui sont les premiers usagers de ces technologies, nous nous intéressons aux humains d’abord. Il faut pouvoir embarquer dans le projet d’Architecture d’Entreprise tous les collaborateurs, il s’agit des projets à impact au même titre que les projets de transformation. La plupart du temps, les projets d’Architecture d’Entreprise accompagnent la transformation des organisations. En fait, la mission d’Ificlide est de faciliter la mise en place de ce type de projet et valoriser les talents humains des entreprises.
Le nom de la société Ificlide vient de “Iphiclides podalirius”, le nom latin du papillon le flambé. J’aime l’idée qu’on change tout au long de sa vie ainsi que l’effet papillon : des petites interventions en clientèle permettent de grands changements pour ce client.
Quelle société avez-vous créée ensemble ?
Luca – Quand Loïc a vendu sa structure, nous avons décidé de créer une ESN (Entreprise de services du numérique) ensemble : Lafinékip.
Loïc – Lafinékip est une entreprise de conseil en systèmes et logiciels d’informatique. Nous mettons à disposition des développeurs ou des ingénieurs informatiques pour des sociétés qui ont des projets numériques à mener. Cela peut être la transformation du système d’information par exemple.
Luca – Toutes les ESN ont un souci en commun : la gestion des inter-contrats. Entre deux contrats de prestation, le salarié continue d’être payé mais l’ESN ne reçoit plus de revenus. Pour faire face à cette situation, nous utilisons un outil développé Ifliclide qui s’appelle Ifilink. C’est une plateforme qui permet aux ESN d’échanger des talents en inter-contrat. Ce social network permet aux commerciaux de discuter entre eux des différentes missions à proposer.
Nous avons pour mission de repenser le relationnel humain qui aura obligatoirement un impact pour le client. On assiste à un changement de tissu relationnel, notamment avec le développement des freelancers.
Loïc – Un freelancer ne ressent pas l’appartenance à un groupe. Nous réfléchissons aux moyens d’intéresser les gens avec des projets intéressants bien sûr et aussi en transmettant des valeurs. Nous devons repenser le monde du travail pour qu\\\’il soit plus épanouissant.
Luca – Notre but final est d’accompagner nos clients à la réalisation de ses objectifs, il est évident que la relation humaine est la base de notre réussite. Si nous restons focalisés uniquement sur l’aspect financier, on n’est plus dans l’esprit d’entrepreneur. Un entrepreneur doit créer de la valeur bien sûr, mais il doit aussi créer un environnement épanouissant.
Quand on s’épanouit, l’argent suit !
Loïc – Nous sommes très exigeants envers nous-mêmes dans la façon de nous comporter avec les salariés. Un point important pour nous : toujours tenir nos promesses pour gagner la confiance de nos salariés. On veut créer un environnement vertueux, un sentiment d’appartenance avec des valeurs partagées par tous d’abord incarnées par nous deux.
Luca – C’est notre première année d’exploitation, notre objectif est d’atteindre une quarantaine de consultants d’ici 3 ou 4 ans. Nous voulons rester à taille humaine et travailler sur des projets à forte valeur ajoutée.
Qu’est-ce qu’un entrepreneur selon vous ?
Loïc – Un entrepreneur n’arrête jamais, il croit que tout est possible tout en restant pragmatique.
L’entrepreneuriat est un alliage entre utopie et réalisme.
L’entrepreneuriat est un mode de vie, un état d’esprit permanent. En tout cas, c’est une forme de liberté à laquelle je tiens beaucoup.
Luca – Une fois qu’une personne a eu le déclic de l’entrepreneuriat, elle ne peut plus s’arrêter, elle veut tout le temps créer de la valeur sous différentes formes et embarquer d’autres personnes dans ses rêves et ses idées. L’entrepreneuriat donne une liberté d’action à 360 °. Si je veux investir dans une idée à laquelle je crois, et si je peux le faire je le fais. Les contraintes sont externes, pas hiérarchiques.
Un entrepreneur doit obligatoirement respecter ses salariés parce que c’est grâce à eux qu’il crée de la valeur. Donc les salariés doivent être embarqués dans ses idées et pour pouvoir les défendre, ils doivent s’investir en équipe, toujours être en mouvement dynamique pour participer activement à la réalisation de ces idées.
L’entrepreneur est à la tête du bateau, il doit être un exemple. S’il n’est pas enthousiasmant, personne ne sera enthousiaste.
Quels conseils donneriez-vous à quelqu’un qui veut devenir entrepreneur ?
Loïc – Mieux vaut agir vite que réfléchir trop longtemps. Si on réfléchit trop, on trouve tout un tas de raison de ne pas agir. Si on agit, on fait des erreurs, évidemment, mais on trouve des solutions et on gagne en expérience et ça n’a pas de prix. Je conseillerais aussi d’être résilient. Si on n’est pas résilient, il faut apprendre à l’être pour devenir entrepreneur.
Luca – L’erreur n’est pas une option, elle arrivera obligatoirement. La différence, c’est que l’entrepreneur se relève vite, c’est un homme qu’il sait se relever et se remettre à marcher.
Quels livres vous ont particulièrement marqués ?
Loïc – « L’art de la victoire », l’autobiographie du fondateur de Nike, Phil Knight, retrace toute l’histoire, de ses débuts à vendre des chaussures dans son coffre, à ses rêves, ses déboires et surtout son envie de toujours aller plus haut, plus loin, plus fort. C’est une histoire complètement folle. Nous, on ne voit que la partie émergée de l’iceberg, c’est-à-dire le succès, mais il y a eu beaucoup beaucoup d’échecs pour en arriver là.
Un autre livre m’a marqué : « La civilisation du poisson rouge » de Bruno Patino, directeur éditorial d’Arte France, qui aborde notre dépendance aux écrans. L’auteur décrit comment la neuroscience est mise en service du numérique pour qu’on devienne dépendants. C’est un livre passionnant que je recommande.
Luca – La biographie de Steve Jobs de Walter Isaacson m’a passionné. Il décrit le contexte des années de vulgarisation de l’informatique pour le grand public, que j’ai vécu pleinement. J’ai aussi adoré « Le New Deal Vert Mondial » (The Green New Deal) de Jeremy Rifkin qui explique comment un contexte est toujours dynamique et comment s’adapter en permanence pour en tirer le meilleur de façon collective, pour le présent et pour les générations à venir.