Lors de la deuxième table ronde d’auteurs organisée par les éditions ContentA à PRODURABLE, Clément Chenut a présenté sa vision innovante de la transition vers une économie durable.
À travers son livre « Génération Circulaire », il défend un modèle basé sur la RE-croissance, un concept qui se distingue de la croissance linéaire traditionnelle. Il met également en avant l’importance de la circularité pour repenser nos modes de consommation et de production.
Dans cet entretien, Clément dévoile les enjeux de cette transformation, les leviers d’action pour les entreprises, et le rôle clé des citoyens et des pouvoirs publics dans cette évolution.
Qu’est-ce que la RE-croissance ?
On entend souvent dire que la décroissance serait la seule solution pour relever le défi écologique. J’en conviens : nous devons tous faire mieux. Mais ce narratif anxiogène est peu mobilisateur. C’est pourquoi je propose un autre cadre : la RE-croissance.
La RE-croissance repose sur un principe simple mais puissant : créer plus de valeur avec moins de ressources. Elle ne s’oppose pas frontalement à la croissance, elle en renouvelle les fondements. Il ne s’agit plus d’accumuler, mais d’optimiser l’usage des ressources naturelles, comme les matériaux ou l’eau, dans une logique de long terme. On quitte la logique linéaire du « produire-consommer-jeter », pour entrer dans une dynamique régénérative, où l’efficience devient le nouveau moteur.
Ce modèle permet aux entreprises d’atteindre des résultats immédiats : réduction des coûts, sécurisation des approvisionnements, impact environnemental positif. On parle d’un vrai changement de paradigme, qui réconcilie fin du mois et fin du monde.
Pourquoi la circularité est-elle un pilier de la RE-croissance ?
Aujourd’hui, à peine 7,2 % de notre économie est circulaire, et ce chiffre baisse. C’est un signal d’alerte. Si nous voulons vraiment faire mieux avec moins, alors il est urgent de repenser nos systèmes industriels, logistiques et commerciaux.
La circularité permet de prolonger la durée de vie des produits, de valoriser les matériaux en fin de vie, et de limiter l’extraction de ressources vierges. Cela passe par des stratégies concrètes : réduire, réemployer, recycler. Mais surtout, c’est une opportunité économique colossale. En 2030, l’économie circulaire pourrait générer 7 700 milliards de dollars. C’est donc un levier d’innovation et de performance, pas une contrainte.
Il faut changer de focale : ne plus se contenter d’être efficace (produire à tout prix), mais viser l’efficience – produire intelligemment, avec le bon usage des ressources, pour un résultat durable.
Pourquoi le Produit Intérieur Circulaire (PIC) ?
Le PIB mesure l’efficacité, c’est-à-dire la capacité à produire de la valeur sans prendre en compte les moyens ni les conséquences. Il ne distingue pas la croissance toxique d’un progrès durable. Le PIC, lui, évalue l’efficience d’un système, c’est-à-dire sa capacité à créer de la valeur en optimisant les ressources et en réduisant les externalités négatives.
Le PIC s’appuie sur des indicateurs concrets comme :
- la proportion de flux de matières valorisés localement,
- la maturité des métiers circulaires dans chaque filière,
- la répartition d’infrastructures durables dans les territoires.
C’est un outil de pilotage. Il permet de mesurer la résilience et l’impact réel d’un modèle économique circulaire. Si vous cherchez à accroître l’efficience de votre organisation, il est temps d’adopter un prisme circulaire pour évaluer vos performances.
Qu’est-ce qu’un gouvernement pour la RE-croissance ?
On pense souvent, à tort, qu’aucune alternative n’est possible tant notre système est complexe. Mais ce genre de fatalisme ne fait que justifier l’inaction. Ce dont nous avons besoin, c’est d’un nouveau récit, d’un cadre structurant : un gouvernement de la RE-croissance.
Ce gouvernement aurait pour mission de réorienter les politiques industrielles, fiscales et territoriales, en intégrant la circularité comme fondement stratégique. Cela inclut :
- Le soutien à la relocalisation des filières,
- L’investissement dans des infrastructures sobres,
- La mise en place d’incitations à long terme, même si elles ne sont pas rentables à court terme.
C’est une réponse directe à notre endettement systémique – qu’il soit démographique, économique ou environnemental. Il ne s’agit plus de croissance quantitative, mais de création de valeur durable dans le respect des limites planétaires.
Et les citoyens dans tout ça ?
Les citoyens ne sont pas de simples spectateurs : ils sont les déclencheurs de la transformation. Par leurs choix, ils influencent les pratiques des entreprises, et la trajectoire des politiques publiques.
Mais il faut aller plus loin. Je parle d’un nouveau savoir-être : l’Homo Circularus, qui ne consomme pas par réflexe, mais par conscience. Il s’interroge : « Ai-je vraiment besoin de ce produit ? » Il valorise ce qu’il possède déjà, donne, recycle, et intègre une logique d’usage au lieu de propriété.
J’ai moi-même initié une démarche que j’appelle le White Friday, en opposition au Black Friday : je redonne une seconde vie à ce que je n’utilise plus. Ce type d’initiative personnelle devient un levier collectif. Ce n’est pas une privation, c’est une évolution vers le mieux-être.
Quel est le message clé de ton livre "Génération Circulaire" ?
Le cœur du message, c’est que le statu quo n’est pas une fatalité. Il existe une voie crédible, désirable et réaliste pour sortir du modèle linéaire. Cette voie, c’est la RE-croissance : une croissance régénérative, fondée sur l’efficience, la sobriété choisie, la circularité, et le bien-être collectif.
C’est un changement systémique qui touche l’entreprise, les politiques publiques, et les comportements individuels. Ce n’est pas juste une vision, c’est une trajectoire concrète, un cadre d’action pour créer une économie résiliente, alignée avec les défis de notre temps.