Thibault Launay est un entrepreneur qui investit différents secteurs et différents pays : des mines de bauxite en Guinée à la tirelire digitale pour les enfants à Londres. Rencontre avec un globe-trotter qui prouve que la persévérance paie.
Comment es-tu devenu entrepreneur ?
Ma première vie était à Londres, dans la finance. Par amour, je suis parti vivre en Guinée (Conakry). J’y ai retrouvé Romain Girbal qui avait déjà vécu dans ce pays. La démocratie s’était installée dans ce pays mais il était toujours présenté par la Banque mondiale comme l’un des pires pays pour faire des affaires. Pourtant, la Guinée dispose d’une richesse très importante : la bauxite.
Avec Romain, j’ai créé ma première société à 23 ans : l’Alliance Minière Responsable. Cela a été très compliqué parce que l’exploitation de la bauxite demande des financements importants. En 2015, nous avons réussi à trouver 3 millions d’euros, mais il nous fallait 200 millions pour exploiter les mines.
Cela a pris 3 ans et 3 000 mails !
La production a vraiment commencé en janvier 2018 et maintenant, en partenariat avec le consortium UMS-SMB-WINNING qui emploie 10 000 salariés, nous sommes un des premiers producteurs de bauxite.
Quelles autres activités as-tu développées ?
En parallèle de notre projet de mine de bauxite, nous avons lancé Afrimalin, un site de petites annonces dans 8 pays d’Afrique. Puis, nous avons créé la société Senditoo qui propose des envois d’argent par mobile. Cette société est basée à Londres mais avec un focus sur l’Afrique.
Quand l’exploitation minière a été lancée, nous avons voulu diversifier notre activité pour limiter les risques. Nous sommes devenus des investisseurs actifs dans une dizaine de sociétés, d’abord en Afrique, puis en Europe, maintenant dans le monde entier.
Par exemple, quand Filippo Yacob nous a présenté son projet de tirelire digitale pour les enfants de 6 à 12 ans, Pigzbe, nous avons été les premiers investisseurs sur ce projet et nous restons très impliqués. Il s’agit d’apprendre les rudiments de la finance aux enfants. Au sein de cette tirelire, il y a une monnaie digitale qui s’appelle le WLO que les enfants peuvent dépenser dans l’économie réelle avec notre carte bancaire Visa.
Qu\’est-ce qu\’un entrepreneur selon toi ?
Un entrepreneur, c’est comme un médecin généraliste, il doit savoir tout faire. Au début, on n’a pas l’argent pour payer des experts. Donc un bon entrepreneur est quelqu’un de polyvalent qui doit comprendre rapidement le marketing, la communication, la finance, la comptabilité, etc. Maintenant que je suis investisseur, je me méfie des entrepreneurs qui ont déjà une armée d’avocats, de comptables, etc. avec eux. Tout s’apprend sur le terrain, grâce à Internet. Il n’y a pas besoin d’être un génie, il faut surtout passer du temps à se former à tous les sujets nécessaires.
L’entrepreneuriat, c’est la liberté de réaliser ses projets les plus fous. Quand je disais que j’allais partir en Afrique pour créer une exploitation minière, on m’a vraiment pris pour un fou ! Mais on l’a fait, avec quelques sacrifices. Par exemple, quand Ebola faisait rage en Afrique, nous avons dû revenir en France et trouver des boulots rapidement. Je me suis retrouvé au Crédit Agricole de Normandie pendant 8 mois pendant que mon associé vendait des poissons à Rungis le matin pour continuer la recherche de financements de nos mines l’après-midi. Être entrepreneur, c’est aussi être prêt à faire des petits boulots pour accéder à la liberté.
J’aime bien la citation de Reid Hoffman, le fondateur de LinkedIn : « Un entrepreneur est quelqu’un qui se jette d’une falaise et construit un avion sur le chemin de la descente. »
Quels conseils donnerais-tu à quelqu\’un qui veut devenir entrepreneur ?
Avant d’être entrepreneur, je pensais que le plus important était de trouver LA bonne idée. Maintenant, je suis persuadé que le plus important est la bonne exécution d’une idée. Une bonne idée dans les mains d’une mauvaise équipe ne vaut rien alors qu’une idée médiocre dans les mains d’une bonne équipe peut valoir beaucoup. Pour atteindre des centaines de millions en valorisation, il faut à la fois l’équipe géniale et l’idée géniale.
Un entrepreneur doit penser un peu différemment, ne pas être un mouton trop scolaire, avec une bonne dose d’anticonformisme pour « sortir du cadre ».
La qualité la plus importante d’un entrepreneur est la persévérance.
Il faut savoir persévérer quand tout le monde tourne le dos. Pour financer notre projet de mines de bauxite, ce n’est qu’au bout de 3 000 emails qu’on a fini par convaincre les investisseurs.
Tout s’est débloqué quand nous avons rencontré Arnaud Montebourg. Il nous a présenté les bonnes personnes sans jamais rien demander en retour. En fait, il faut oser contacter les personnes qui peuvent aider. Quand j’ai trouvé le mail de Xavier Niel sur Internet, il m’a répondu ! C’était un refus : « Pas mon truc. Je ne connais pas ce secteur. Désolé » mais j’étais très heureux qu’il prenne le temps de me répondre. Après notre première levée de fonds, je l’ai relancé pour l’informer de la cette bonne nouvelle. Et là, il est devenu intéressé ! On a trouvé un accord et cela nous a donné une belle visibilité dans les médias. Comme quoi, la persévérance paie !
Je pense qu’il faut croire en ses rêves, tout en étant le plus objectif et réaliste possible. Depuis quelques années, je travaille dans le monde entier. Je ne vois plus le travail comme une contrainte, c’est une passion. Je pourrais arrêter de travailler mais je serais malheureux.
Quel livre t\’a le plus marqué ?
J’ai beaucoup aimé « Losing my virginity » de Richard Branson. Il est la preuve qu’avec une grande conviction et beaucoup de travail, il est possible de réussir des exploits dans divers domaines. C’est le premier à avoir traversé l’Atlantique en ballon gonflable !
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