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Valérie Andrade, entrepreneuriat et association

Qui a dit que créer une association n’était pas de l’entrepreneuriat ? Démonstration avec Valérie Andrade, co-fondatrice de Sceaux smart, un espace de coworking à Sceaux… et pas seulement.

Comment on écrit « entrepreneur » au féminin ?

Entrepreneur, le masculin l’emporte et ça me convient.

Comment es-tu devenue entrepreneur ?

J’ai d’abord passé 18 ans dans un grand groupe au début comme commerciale, puis chef de projet marketing et finalement directrice marketing et communication. La globalisation poussée à l’extrême, l’externalisation à tout va, les délocalisations, sans compter le manager leader individualiste et la réduction d’autonomie au niveau local, ont été autant de signaux qui m’ont peu à peu éloignée du monde de la multinationale. Je ne m’épanouissais plus dans ce type d’environnement.

J’ai profité d’un licenciement pour me ressourcer et observer mon changement intérieur. Au chômage, c’était le meilleur moment pour monter un projet. Pourtant, j’ai reçu peu d’encouragement de la part de mon entourage. Il n’y a pas beaucoup d’entrepreneurs autour de moi. Mon mari a été mon principal soutien.

Deux femmes entrepreneurs, avec lesquelles j’avais travaillé quelques mois avant mon départ, sont rapidement devenues déterminantes dans mon parcours. Questionnée avec efficacité, un simple déjeuner avec Nathalie Riond m’a donné le cap : monter un espace de coworking dans la ville où j’habite. Suivi d’un plan d’actions concret : monter une présentation en 10 slides à présenter à 10 personnes ciblées. Puis avec Carole Blancot, j’ai trouvé le nom de l’espace « Sceaux smart », un appui et des conseils avisés sur toutes les étapes de son lancement.

Comment s’est passée la création de cet espace ?

Le secret d’un espace de coworking, c’est de créer une communauté avant de trouver un lieu. J’ai commencé par en parler au maire de Sceaux qui était intéressé. C’est un homme très inspirant qui a un rôle de mentor dans cette aventure. Ensuite, j’ai ouvert les portes une par une. L’entrepreneuriat, c’est d’abord une histoire de rencontres. Au fur et à mesure que j’avançais dans mon projet, je rencontrais des personnes qui venaient l’enrichir ou lui donner un autre élan. Avec une première bande de citoyens, nous avons co-créé l’association Sceaux smart et j’ai embarquée plein de monde avec moi. J’étais dans un état d’écoute et de travail complètement différent par rapport à mon état quand j’étais salariée.

Sur le plan personnel, j’ai développé des qualités que j’avais refoulées dans mes métiers d’avant.

Je suis convaincue qu’on a besoin de grandir individuellement et collectivement pour avancer.

Dans mon aventure entrepreneuriale, il y a des moments de solitude et des moments de partage, c’est l’association de ces deux formes de moment qui fait avancer le projet.

Quelle est la mission de Sceaux smart ?

Sceaux smart est ce qu’on appelle un « tiers lieu », c’est-à-dire un lieu qui n’est ni la maison, ni l’entreprise. C’est un tiers lieu d’innovation, un laboratoire du travail de demain. Il prend la forme d’un espace de coworking dans lequel viennent travailler des salariés en télétravail et des indépendants. Un lieu pour se poser, un lieu bienveillant, confortable et serein.

C’est aussi un lieu de partage, d’entraide, d’apprentissage, qui propose une plateforme de services en constante évolution. Et c’est surtout un collectif ! Nous organisons de nombreuses animations articulées autour de 4 thèmes majeurs : apprentissage et entrepreneuriat, créativité et co-développement, éco-responsabilité citoyenne et bien-être. Elles se déclinent en hackathons, événements, etc. comme les Free Troc Party pour échanger gratuitement des vêtements ou les donner à des associations, ou alors les soirées Champagne and Co. qui réunit des dirigeants, etc.

Qu’est-ce qu’un entrepreneur selon toi ?

Un entrepreneur est un leader qui va mener un projet jusqu’au bout tout en fédérant du monde avec lui. Il crée de la richesse avec passion et ténacité. Pas seulement de la richesse financière, aussi de la richesse humaine, de la richesse de concept, de la richesse qui fait avancer les choses. Un entrepreneur a toujours un côté “pirate” qui bouscule l’ordre établi.

Il y a deux types d’entrepreneur. L’entrepreneur de “nécessité” qui se crée un salaire pour vivre, il crée son propre emploi. Et l’entrepreneur “d’opportunité” qui crée de la valeur pour développer son initiative avec ambition, pour embaucher d’autres personnes et pour profiter d’une opportunité sur un marché. Aujourd’hui, si un entrepreneur veut garder ses salariés, il doit leur apporter du sens. L’accomplissement personnel ne passe plus seulement par le travail mais par un équilibre général qui prend en compte le travail, la vie personnelle, l’engagement citoyen, associatif, etc.

Et un entrepreneur social ?

L’entrepreneur social va encore plus loin dans la démarche : il a une activité qui est tournée vers les autres dans une logique de richesses partagées. L’entrepreneur social agit forcément avec et pour les autres. Là où il y a le plus de valeur et de créativité, c’est là où il y a de l’humain.

Au début, je ne me retrouvais pas du tout dans l’ESS (Économie Sociale et Solidaire) et je me suis prise une énorme claque. Je croyais que ce domaine vivait “sous perfusion”, avec les subventions. Moi, je voulais un modèle qui s’autofinance. Et j’ai découvert que l’ESS tient la route, économiquement. J’ai compris que l’ESS est pleine de valeurs, de partage et que la richesse créée n’est pas seulement financière, elle est aussi humaine.

On m’a déjà dit : « Tu n’es pas une entrepreneur parce que tu as créé une association ! » Pourtant, ce choix de statut juridique est le résultat d’une véritable étude qui démontre qu’il est pertinent pour ce type de projet.

Quels sont les 3 mots importants dans ta vie d’entrepreneur ?

3 mots importants dans ma vie : co-construction, connexion, co-développement

La co-construction, c’est l’ADN de Sceaux Smart. C’est un projet monté ensemble par plusieurs citoyens.
La connexion parce que j’ai connecté plein de gens entre eux à qui ils arrivent des belles choses.
Le co-développement pour surmonter les obstacles en intelligence collective.

Quels sont tes projets ?

En 2023, le centre-ville de Sceaux accueillera un prochain lieu défini dans la cadre d’une démarche de démocratie participative. D’ici-là, grâce une nouvelle fois au concours de la ville, nous proposons un autre tiers-lieu à 200m de Sceaux smart : le Petit Voisin. C’est un lieu éphémère, comme son grand frère, les Grands Voisins, pour incarner la connexion et l’apprentissage. Il sera entièrement meublé par des dons, mêmes les fleurs. Nous y déploierons des formats phares tels que Champagne & Co, Smart Academy, Smart Book’in, Hackons la réunion et même un espace game en partenariat avec notre communauté. Ce Petit Voisin va accueillir diverses structures, communautés, comme l’association Apprendre au Bout de la Rue, porté par Caroline Gerber, ou Frencheroes que nous lançons en ce moment avec Nathalie Riond et bien d’autres.

Frencheroes est une communauté de dirigeants, principalement de PME et d’ETI, pour lutter contre leurs deux grands fléaux : l’isolement et le manque de reconnaissance. On offre une sorte de “bras droit connecté” aux dirigeants pour qu’ils puissent grandir individuellement et collectivement. Individuellement, le dirigeant peut solliciter Frencheroes selon ses besoins. Collectivement, nous venons le bousculer un peu par des missions spécifiques avec ses équipes. Et évidemment, nous offrons des connexions avec d’autres dirigeants.

Quel livre t’a particulièrement marqué ?

Je fuis les livres de management mais j’ai trouvé génial « Alerte sur la banquise » de John Kotter, un prof de Harvard, aux éditions Pearson. Il raconte, comme une fable, avec des images, l’histoire d’une colonie de pingouins sur une banquise qui va se briser en deux. John Kotter décrit 8 étapes pour « réussir le changement dans n’importe quelles conditions ». Cette façon collective de travailler m’a beaucoup servi au démarrage de Sceaux smart, je m’en sers encore pour gérer le leadership du Petit Voisin. D’ailleurs, j’ai offert ce livre à beaucoup de personnes.

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