Caroline Dekermandjian est pharmacienne. Alors qu’elle essaye d’arrêter de fumer, elle découvre qu’aucune marque de cosmétiques ne propose de produits pour les fumeurs. Elle décide de se lancer dans l’entrepreneuriat pour aider les fumeurs à retrouver une belle peau et de belles dents. Rencontre avec une entrepreneuse scientifique et artiste.
Comment écris-tu « entrepreneur » au féminin ?
Entrepreneuse, pour bien entendre la différence à l’oral. De même, je suis pharmacienne et non pharmacien, ni la femme du pharmacien !
Comment es-tu passée de pharmacienne à entrepreneuse ?
Quand j’ai fait mes études de pharmacie, je ressentais un manque de créativité. J’aimais beaucoup le contact humain, le conseil en officine, mais il me manquait quelque chose. Je ne pouvais plus explorer ma fibre artistique comme quand j’étais jeune.
Un autre malheur : je fumais beaucoup, entre 20 et 30 cigarettes par jour. Je n’arrivais pas du tout à arrêter alors que je voyais les effets sur ma peau, mes dents, l’odeur que je dégageais, etc.
Un chiffre : Selon Santé Publique France, il y a 16 millions de fumeurs en France.
Malgré ce chiffre important, aucune des 6 500 marques de produits cosmétiques sur le marché ne propose des solutions pour les problématiques des fumeurs. La seule réponse qu’on donne à un fumeur qui veut avoir une belle peau ou de belles dents, c’est d’arrêter de fumer !
Pour arrêter de fumer, il faut trouver un système de récompense rapide, pas seulement l’idée de pouvoir courir un marathon dans plusieurs mois. Cela m’a donné l’idée de créer une marque de cosmétiques pour fumeurs.
Comment as-tu développé ta marque de cosmétiques pour fumeurs ?
L’idée m’est venue en 3e année de pharmacie. Je me suis tout de suite tournée vers les huiles essentielles, notamment l’huile essentielle d’angélique qui a des vertus anti addictives.
Mais à cette époque, j’étais encore une scientifique et je ne connaissais absolument rien au monde de l’entreprise. Je n’avais jamais fait un business plan, ni pris le moindre cours de comptabilité. Pendant mon année de césure, j’ai décidé de faire un stage de 6 mois dans une startup de cosmétiques pour femmes atteintes de cancer. J’ai adoré immédiatement ce monde de la startup. C’est exactement ce que je voulais faire : réunir la pharmacie et la startup, réunir la science et la création !
Pendant ma 6e année de pharmacie, je complète mon cursus avec un master spécialisé entrepreneuriat à HEC. Un jour, j’ai découvert le livre d’aromathérapie du Docteur Françoise Couic-Marinier dans une librairie. Je voulais absolument rencontrer cette femme. Le hasard a voulu que le lendemain, à un dîner sur les enjeux du tabac, une femme qui travaille chez L’Oréal me donne les coordonnées d’une de ses amies… le Docteur Françoise Couic-Marinier ! Quand je l’ai appelé le jour d’après, elle m’a écouté parler de mon projet sans rien dire pendant plus de 30 minutes. À la fin, elle me dit : « Bravo ! Une idée comme la vôtre, je n’en ai jamais entendu parler. Si vous avez besoin de mon aide, je suis là. » C’était magique ! Elle a regardé mes formulations de produits et nous avons travaillé ensemble pour les améliorer et suivre les tests en laboratoire.
Quelle est la mission de Modjo Cosmetics ?
Les produits Modjo Cosmetics aident les fumeurs à se sentir comme avant d’avoir commencé à fumer :
- notre dentifrice assainissant permet de gagner jusqu’à 3 teintes de blanc en 28 jours ;
- notre crème pour le visage illumine, répare et hydrate la peau ;
- notre spray anti-odeur pour le corps élimine toutes les odeurs de tabac.
Tous nos produits sont mixtes, entièrement fabriqués en France, vegan, 100 % d’origine naturelle et distribués en pharmacie.
Le 31 mai 2021, à l’occasion de la journée mondiale sans tabac, Modjo Cosmetics s’associe à l’application Kwit qui accompagne les personnes dans l’arrêt du tabac et à Endorphi.co, un site de coaching sportif à distance dans le lancement d’une box pour arrêter de fumer.
Qu’est-ce qu’un entrepreneur ou une entrepreneuse selon toi ?
Ce qu’il y a derrière le mot entrepreneur évolue avec le temps, la société, les circonstances. Je pense qu’être entrepreneur, c’est en soi.
Un entrepreneur ou une entrepreneuse est un artiste mais pas dans les 9 arts majeurs. Ce n’est pas un peintre, pas un comédien, ni un sculpteur mais c’est un artiste parce qu’il crée, il invente, il innove tous les jours.
Pour réussir, un entrepreneur doit être créatif comme un artiste.
Sur le terrain, un entrepreneur est une personne qui s’adapte à tout le monde, tous les jours.
Depuis le début de mon aventure entrepreneuriale, j’ai changé de métier plusieurs fois. Au début, j’étais toute seule, je n’avais aucun stress. J’ai un entourage extraordinaire qui m’aide dans tous les domaines, même le community management. J’ai essayé de prendre un associé 3 fois et ce fut 3 échecs. Maintenant Modjo Cosmetics compte 7 salariés et 11 commerciaux. Je suis donc devenue aussi manager, j’ai pris le stress de toute l’équipe sans leur communiquer. Un entrepreneur doit rester un leader, fort, motivé et motivant. Et il doit savoir déléguer les bonnes choses aux bonnes personnes.
Quel livre t’a profondément marquée ?
J’avais 17 ans quand j’ai lu « Le parfum » de Patrick Süskind. Il y a beaucoup de folie dans ce livre. Les odeurs sont très importantes dans mon métier et ce livre ne m’a jamais quittée.
Une citation de Lao Tseu m’a aussi profondément marquée. Quand j’ai raté mon concours de pharmacie à 18 ans, j’ai lu dans le métro sa réplique « L’échec est le fondement de la réussite ». Sur le moment, je ne voyais que mon échec. Maintenant, je sais que cet échec était indispensable à ma réussite. Cette citation s’applique parfaitement à l’entrepreneuriat : un entrepreneur échoue tous les jours et chaque échec lui permet de s’améliorer pour aller vers la réussite.