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Corentin Voiseux - Hypra - éditions ContentA

Corentin Voiseux, l’entrepreneur de l’inclusion numérique

Destiné à servir l’intérêt général dans le service public, c’est finalement en créant une startup que Corentin Voiseux offre ses compétences au service de la société. Avec Jean-Philippe Mengual, aveugle de naissance, ils ont créé Hypra pour aider d’abord les déficients visuels à utiliser les outils informatiques, puis toutes les populations éloignées du digital. Rencontre avec un entrepreneur qui se bat pour l’inclusion numérique et pour la reconnaissance du métier de médiateur numérique. 


Comment es-tu devenu entrepreneur ?

Je me destinais au service public. Après Science Po Aix, je voulais intégrer l’ENA. Mais lors de ma deuxième année de préparation, j’ai loupé la date d’inscription au concours. Un acte manqué ? En tout cas, cela m’a permis d’entrer à HEC et de compléter ma culture du service public par une culture du service privé.

À Science Po, j’avais rencontré Jean-Philippe Mengual qui était déjà en 4e année. Aveugle de naissance, je lui lisais les livres qui n’étaient pas encore numérisés pour l’aider à préparer son concours d’entrée à l’ENA. Les problématiques de l’accessibilité numérique et du handicap sont devenues rapidement des sujets de discussions.

Avant même de terminer HEC, je voulais être dans l’action tout de suite pour que mon école de l’entrepreneuriat soit mon projet. Alors que Jean-Philippe travaillait au ministère de la Santé et que j’étais encore à HEC, nous avons décidé de monter ensemble Hypra autour de ces enjeux de société.


Quelle est la mission de Hypra ?

En 2015, notre première approche de l’accessibilité numérique est celle du handicap. Une personne en situation de handicap doit acheter des logiciels payants et des formations pour manipuler ces logiciels. Hypra propose des équipements gratuits adaptés à tous les handicaps visuels, la machine à accès universel, et des logiciels libres et performants dans un environnement sécurisé, sécurisant et stable. Par exemple, il ne casse pas à chaque mise à jour !

Hypra est alors la première startup à proposer des services d’accompagnement informatique personnalisé à distance. En fait, nous avons réinventé et structuré le métier de médiateur numérique. 

Nous avons tellement confiance dans le service délivré que l’utilisateur peut renvoyer le matériel à tout moment, sans aucun engagement. Peu à peu, Hypra construit une ingénierie pédagogique (sans même savoir que ça s’appelait comme ça) autour de l’accompagnement.

À partir de 2018, nous avons monté un conseil scientifique pour confronter nos constats sur le terrain avec la science. Notre recherche est pluridisciplinaire, mêlant la psychologie, les sciences cognitives, la philosophie et la pratique.

Avec le temps, nous comprenons que les besoins sont immenses. Les déficients visuels ne sont pas les seuls à avoir besoin d’aide pour le numérique.

Notre mission est de rendre l’informatique accessible à tous.


Qu’est-ce que l’inclusion numérique ?

L’inclusion numérique permet à tout le monde d’utiliser un même outil même s’il n’a été créé que pour une partie de la population.

L’industrie informatique explique que ses solutions sont intuitives. Cela sous-entend que si quelqu’un ne réussit pas à se servir de leurs outils, c’est que la personne est nulle, que le souci est l’utilisateur. Leur objectif est uniquement de vendre des produits et des licences.

Le marché numérique a tendance à penser qu’un accompagnement n’est nécessaire que si le produit est mauvais. C’est oublier toute une frange de la population : les seniors, les personnes en situation de handicap et toutes les personnes en difficultés face au numérique.

Le rapport du Sénat sur l’illectronisme, auquel nous avons participé, avance des chiffres qui précisent cette fracture : 14 millions de Français ne maîtrisent pas le numérique et près d’un Français sur deux ne sent pas à l’aise avec les outils digitaux. 

Avec le temps, nous sommes devenus des acteurs de référence dans l’inclusion numérique.

Hypra propose désormais des ateliers collectifs, en présentiel, dans les territoires, pour toutes les catégories de personnes qui ont besoin d’un accompagnement au numérique.

Le marché de l’accompagnement numérique est à construire.

Cela demande une grande dose de pédagogie et d’acculturation, y compris envers les élus et les fonctionnaires des collectivités territoriales. Pour toucher les bénéficiaires, nous devons d’abord expliquer l’importance du numérique aux collaborateurs de la Nation. C’est un combat de tous les jours pour faire reconnaître le métier de médiateur numérique.


Qu’est-ce qu’un entrepreneur selon toi ?

Avec Jean-Philippe Mengual, nous avons construit notre société comme un projet politique. Une fois les constats énoncés sur le handicap et l’inclusion numérique, nous avons cherché comment agir. Le point de départ de l’entrepreneur est de ne pas se retrouver dans le monde tel qu’il est.

Si le monde ne te convient pas, cherche pourquoi et regarde où ta réflexion te mène.

Un entrepreneur veut transmettre un monde meilleur. Il veut partager sa vision du monde, de l’humanité… et de la société si c’est un en plus un entrepreneur social. L’entrepreneuriat permet de ne pas entrer dans une forme d’indifférence, de cynisme voire d’acceptation du monde tel qu’il est sans agir.

L\\\’entrepreneur a un projet sociétal. Autrement, c’est un business man.

Entreprendre demande de la confiance : confiance en soi-même, confiance en l’autre, confiance dans l’avenir, confiance dans le changement. Entreprendre est aussi un combat, surtout un combat contre soi-même pour construire le projet et pour faire grandir professionnellement et humainement les collaborateurs.


Quel livre t’a profondément marqué ?

Je suis un grand lecteur. Je reste très marqué par la lecture de « 1984 » de George Orwell et sa vision clairvoyante du devenir de la société numérique. Il avait vu, bien avant tout le monde, la désinformation accélérée par le numérique et l’enfermement dans une forme de « bulle » due à nos croyances. Ce qui m’a le plus marqué est de comprendre à quel point notre équilibre politique est fragile. Ce livre m’a ouvert les yeux sur les dérives des sociétés libérales et leur potentiel de bascule vers le totalitarisme. La réponse à cette situation est évidemment la connaissance, l’esprit, la culture !

Je suis moi-même auteur du livre « L’âme de la république – Vers et depuis une spiritualité laïque » sorti en avril 2020, uniquement sous format numérique… pour le moment.

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