Professeure des universités à l’Université de Strasbourg et conférencière, Isabelle Barth étudie les questions commerciales depuis plus de 30 ans. Elle observe le commerce à travers les philosophes, les sociologues, les écrivains et même les peintres et les artistes pour comprendre comment ont été forgées nos représentations actuelles. Dans le livre « Voyage au cœur de la relation commerciale » de Esprit de Service France, Isabelle Barth invite le lecteur à prendre de la hauteur sur la notion de commerce à travers 5 escales passionnantes.
Les deux études menées par Esprit de Service France dans le livre « Voyage au cœur de la relation commerciale » révèlent clairement que les commerciaux se sentent rejetés. Est-ce un phénomène récent ?
De tout temps, les commerciaux ont été mis à l’écart. Déjà dans l’Antiquité grecque, il y a plus de 2 500 ans, l’ordre des commerçants n’existait même pas et ils n’étaient pas perçus comme des travailleurs à part entière. Cette perspective était également partagée en Chine et en Amérique précolombienne, où les commerçants étaient souvent relégués hors des villes.
Ces conceptions historiques continuent d’influencer nos mentalités et nos structures sociales contemporaines.
Est-ce que désormais le commerce fait l’objet de recherches abondantes ?
L’étude de la relation commerciale n’est pas considérée comme une recherche noble.
Quand j’ai commencé mes recherches sur le commerce, nous n’étions qu’une dizaine de chercheurs français à nous intéresser à ce domaine.
La recherche sur le commerce reste en retrait par rapport aux études sur le comportement des consommateurs, limitant ainsi la profondeur de la réflexion dans ce secteur économique crucial.
Cette désaffection pour le commerce a des répercussions jusque dans les formations universitaires. Même les cursus incluant le mot « commerce » ne préparent pas efficacement les étudiants à embrasser des carrières commerciales. Les programmes de type Tech de Co en sont un exemple frappant, formant des profils loin du monde de la vente.
En 2000, j’ai créé le premier DESS de vente à l’université de Lyon 2. Personne n’en voulait ! Au final, cela a été un succès avec une caractéristique : les candidatures ont toujours été peu nombreuses mais très qualitatives, montrant bien l’importance de la motivation personnelle dans ses métiers.
Certaines institutions comme l’ICD (Institut du Commerce et du Développement) ont pris conscience de cette lacune et se sont engagées à former davantage de professionnels du commerce, comme en témoigne la création de l’Institut Prospectif des Métiers du commerce.
Cependant, le constat demeure alarmant : la rareté des recherches et des formations spécialisées conduit à une pénurie de profils de qualité dans le domaine commercial qui reste en constant déficit.
Est-ce que le commerce fait peur ?
Le commerce correspond à un transfert d’un produit ou d’un service contre une rémunération. Cet échange monétaire rompt la dette et libère les parties impliquées de leurs obligations. En conséquence, le commerce rend libre et cela peut inquiéter : c’est toujours difficile de « manager des commerciaux » !
Il y a 20 ans, l’avènement de la digitalisation laissait entrevoir une ère où le e-commerce supplanterait les commerciaux. Aujourd’hui, avec l’émergence de l’intelligence artificielle, ces perspectives se ravivent.
C’est oublier combien la relation avec le client est passionnante parce qu’elle est humaine.
Dans un monde de plus en plus technologique, le lien direct avec le client demeure essentiel. Les commerciaux incarnent cette interface vitale, reflétant l’engagement et le service de l’entreprise envers sa clientèle.
La thématique commerciale ne se limite pas à la simple transaction. Elle englobe des enjeux éthiques, motivationnels, et révèle l’impact immédiat des actions, mettant en lumière les interactions humaines au cœur de chaque échange. Ces sujets vastes et captivants offrent une perspective enrichissante sur notre société et ses dynamiques relationnelles.
Comment voyez-vous l’avenir de la relation commerciale ?
L’évolution du commerce vers une automatisation croissante accélère la nécessité pour les commerciaux de développer des compétences spécifiques pour rester indispensables.
Au-delà des compétences techniques, l’intelligence émotionnelle, l’ouverture d’esprit et une approche humaine sont devenues essentielles.
Cette transformation reflète l’importance croissante de la relation humaine dans un monde où des plateformes comme Vinted, Airbnb, BlaBlaCar, etc. rendent tout le monde un peu commercial.
La tendance qui se développe est de rendre la relation commerciale monnayable : accéder à un contact humain peut désormais nécessiter un statut de client premium. Dans des secteurs comme l’hôtellerie, la qualité du service humain est directement corrélée au niveau de luxe et de prix, créant ainsi des distinctions marquées entre les expériences client.
Quelle est la particularité du livre « Voyage au cœur de la relation commerciale » ?
Le livre d’Esprit de Service France ne se présente pas comme une compilation de recettes, un manuel de solutions toutes faites pour les professionnels de la vente, mais plutôt comme une exploration approfondie de la relation commerciale. L’ouvrage « Voyage au cœur de la relation commerciale » aborde de manière moderne et multidimensionnelle les enjeux contemporains du métier de commercial. Chaque réflexion est abordée avec une grande profondeur.
Écrit par des experts du domaine, « Voyage au cœur de la relation commerciale – Pour un commerce humain et responsable » offre une vision profonde et actuelle de l’évolution de la société et de son impact sur le secteur commercial, combinant expertises professionnelles et académiques pour une compréhension approfondie des défis rencontrés.
Retrouvez le chapitre Quand faire du commerce, c’est être en commerce dans le livre « Voyage au cœur de la relation commerciale – Pour un commerce humain et responsable » p. 17 et suivantes.